Les clauses usuelles dans une convention entre actionnairesavec une société de capital de risque
Par : Me François St-Arnaud, avocat
Août 2008
Introduction
Le financement à l’aide du capital de risque peut-être une solution toute désignée pour une entreprise en croissance qui ne veut pas, ou ne peut pas, ajouter de l’endettement à son bilan. Par contre, les dirigeants d’entreprises qui envisagent cette solution devraient d’abord s’informer des exigences habituelles des sociétés de capital de risque (ou « capital-risqueurs ») avant de solliciter un tel financement.
Ces exigences peuvent évidemment varier beaucoup d’un pays à l’autre, voire d’une société de capital risque à l’autre. Nous avons voulu ici mettre en lumière les principales clauses contractuelles que nous retrouvons souvent dans les conventions entre actionnaires (ou pacte d’actionnaires) avec des capital-risqueurs dans les principaux pays industrialisés et visant des entreprises non-cotées.
Les droits de gestion de la société de capital de risque
Comme le capital-risqueur ne bénéficie généralement pas de garantie sur les actifs de l’entreprise à financer, il exige en contrepartie des droits de gestion suffisant pour bien suivre les affaires de l’entreprise financée. C’est pourquoi le capital-risqueur requiert normalement :
- des droits de gestion contrôlée, ou droits de veto, sur les décisions importantes de l’entreprise;
- ainsi qu’une représentation au sein du conseil d’administration de l’entreprise.
Les droits de veto obligent l’entreprise à obtenir l’aval du capital-risqueur avant de mettre de l’avant une décision d’affaires visant un point spécifique faisant partie d’une liste préétablie. Par exemple, voici quelques décisions d’affaires qui font souvent l’objet d’un droit de veto :
- - changement de la nature des activités de l’entreprise;
- - déménagement du siège social;
- - acquisitions, fusions ou vente de l’entreprise ou d’une partie importante de ses actifs;
- - dépassement significatif du budget d’opérations de l’entreprise;
- - émission d’actions;
- - déclaration de dividendes;
- - augmentation significatif de l’endettement …
Le droit de préemption
Le capital-risqueur voudra également protéger son pourcentage de détention du capital-actions de l’entreprise. Pour cela, il exigera une clause lui permettant d’éviter la dilution en cas d’émission de nouvelles actions par l’entreprise. On appelle cette clause : le droit de préemption. Elle permet généralement au capital-risqueur de souscrire à toute nouvelle émission d’actions en proportion de sa détention actuelle, le reste des nouvelles actions devant être offert aux autres actionnaires en place. Parfois, cette clause permet aussi au capital-risqueur de souscrire à toute action qui ne serait pas souscrite par les actionnaires actuels de l’entreprise.
Le droit de premier refus
Le capital-risqueur exigera très souvent un droit de premier refus sur toute vente d’actions par un autre actionnaire de l’entreprise. Ce droit est généralement au bénéfice de tous les actionnaires en place et proportionnel à la détention de chacun.
Le droit de suite
On retrouve souvent une clause permettant au capital-risqueur de vendre lui aussi ses actions à un tiers en cas de vente par un autre actionnaire de l’entreprise. La logique de cette clause est souvent la suivante : le capital-risqueur mise sur le talent d’une équipe de gestion en laquelle il croit. Mais si un des membres de cette équipe de gestion décide de vendre à un tiers ses actions dans l’entreprise en question, le capital-risqueur peut vouloir également se retirer de l’entreprise aux mêmes conditions.
Droit d’entraînement (« piggy-back »)
Le capital-risqueur a évidemment un objectif de rendement et doit un jour pouvoir vendre son portefeuille d’actions. C’est pourquoi dans le cas d’une entreprise non-cotée, il doit pouvoir jouir d’une certaine liquidité de ses actions. Une façon d’augmenter cette liquidité est pour le capital-risqueur de bénéficier d’un droit d’entraînement des autres actionnaires en cas d’offre d’achat. Souvent, cette clause permet aux actionnaires ayant accepté une offre d’achat d’un tiers d’obliger les autres actionnaires à vendre leurs actions de l’entreprise.
En général, il faut que l’offre d’achat ait été acceptée par un certain pourcentage minimum donné des actionnaires pour que le droit d’entraînement puisse s’exercer.
Droit de sortie (« put »)
Toujours dans le souci d’assurer la liquidité de son investissement, le capital-risqueur demandera souvent une clause de droit de sortie (en anglais « put option ») qui lui permettra de se retirer à une date donnée. Cette clause peut apparaître avec beaucoup de variables. Par exemple, le capital-risqueur peut avoir le droit d’exiger de ses coactionnaires que ceux-ci achètent ses actions à un prix déterminé selon une formule préétablie. En cas d’incapacité pour les coactionnaires de respecter cet engagement, le capital-risqueur pourra souvent avoir l’option de vendre l’entreprise en totalité à un tiers.
Clause de non-concurrence
La clause de non-concurrence empêchera normalement les actionnaires-gestionnaires de l’entreprise à s’engager dans des activités qui entrent en concurrence avec les activités de l’entreprise. Il est à noter que la jurisprudence de la plupart des pays industrialisés est venue restreindre considérablement la portée de ces clauses en termes des activités visées, de leur durée et de leur étendue géographique. Mais il est tout à fait logique par ailleurs qu’un capital-risqueur veuille éviter que ses associés d’aujourd’hui ne puissent pas lui faire concurrence demain.
Conclusion
Les clauses mentionnées dans cet article ne sont qu’un bref résumé des exigences traditionnelles des capital-risqueurs. Il n’existe pas une recette unique et chaque société de capital de risque a ses exigences spécifiques. Il vaut donc mieux être bien représenté par un avocat spécialisé dans ce genre de convention avant d’amorcer les négociations avec ces investisseurs.
François St-Arnaud © 2008